Evolution de l’état des risques : la Casias

Certaines mesures à paraître dans l’Information des acquéreurs et locataires de bien immobilier (formalisées dans le formulaire CERFA de l’état des risques naturels, miniers et technologiques - ERNMT) ont été largement diffusées dans la presse et sur les réseaux sociaux professionnels. Parmi celles-ci, l’information autour des Secteurs d’information sur les sols (SIS) et celle sur le potentiel radon des communes ont fait l’objet d’une large couverture suite à la publication de décrets ou ordonnances. Néanmoins, d’autres dispositions envisagées sont plutôt passées inaperçues : Casias, Dicrim ou les nouvelles instructions sur la mise en œuvre des prescriptions des PPRT.

Dans cet article, nous nous pencherons sur la Casias : la Carte des anciens sites industriels et activités de service, venant en complément des SIS dans les dispositifs d'information de la population autour des risques de pollution des sols.

1/ Le cadre réglementaire de la Casias encore un peu flou

L’article R410-15-1 du code de l’urbanisme (1) précise que les certificats d’urbanisme devront mentionner « si le terrain est situé sur un site répertorié sur la carte des anciens sites industriels et activités de services mentionnée au IV de l'article L. 125-6 du code de l'environnement » (2). Ces cartes Casias sont rendues publiques par l’Etat qui doit les reporter dans un Système d’information géographique – SIG (R 125-48 du code de l’environnement) (3), en l’occurrence ce sera notamment via le portail GéoRisques .

La Casias n’est pas explicitement mentionnée dans l’article L 125-7 du code de l’environnement (4), portant sur l’information des acquéreurs et locataires sur les risques de pollution des sols, alors que les SIS (Secteur d’information sur les sols) le sont. Néanmoins, comme le dispose cet article, le vendeur ou le bailleur « communique les informations rendues publiques par l'Etat, en application de l'article L. 125-6 », ce qui semble donc impliquer l’information autour des Casias où elle y est mentionnée. Si ces dispositions réglementaires relatives aux Casias concerneront en premier lieu les certificats d’urbanisme, madame de La Hougue, déléguée générale de l’Union des Professionnels de la Dépollution des Sites, confirme l’élargissement du champ d’application des Casias au domaine de l’Information des acquéreurs et locataires en indiquant que « les vendeurs et bailleurs devront également informer leurs acquéreurs et locataires si leur site est répertorié sur Casias …» (5) (6).

2/ Nature de l’information de la Casias : un risque de pollution et non une pollution attestée

Les SIS (Secteurs d’information sur les sols) et les Casias sont deux cartographies différentes :

  • - les SIS sont une cartographie à l’échelle cadastrale qui se base sur la présence avérée d’une pollution des sols dans le secteur, alors que
  • - les cartes Casias montrent, à l’échelle du 1/25000ème (6), les zones de sites présentant des potentialités de pollution des sols du fait des activités à risques qui y ont été exercées mais n’ayant pas fait l’objet de diagnostic ou d’action de gestion spécifique d’une pollution.

Pour élaborer ces cartographies, les représentants de l’Etat dans les départements s’appuieront sur les informations dont ils disposent, notamment :

  • - Pour les SIS : sur la base Basol, Base de données sur les sites et sols pollués (ou potentiellement pollués) appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif ainsi que d’autres bases de données (Inventaires DDIE Geoderis, IRSN Base Mimausa, Base SISOP, Sites pollués connus de l’IC, BD déchets radioactifs…) et des études complémentaires de sol.
  • - Pour les Casias : sur la base Basias (Banque de données d'anciens sites industriels et activités de service) ainsi que toute autre information archivée par les services de l’Etat qui représenterait un risque de pollution des sols.

Comme le synthétise le BRGM (7), (NDLR : en 1998) « La finalité de la base Basias était d’archiver la mémoire des sites à risques de pollution pour fournir des informations utiles à la planification urbanistique et à la protection de la santé publique et de l'environnement. Cette banque de données avait aussi pour objectif d'aider, dans les limites des informations récoltées forcément non exhaustives, les notaires et les détenteurs des sites, actuels ou futurs, pour toutes transactions immobilières. Il faut souligner que l’inscription d’un site dans la banque de données BASIAS, ne préjuge pas d’une éventuelle pollution à son endroit. »

Ainsi, la base Basias, issue de l’arrêté du 10 décembre 1998 relatif à la création d'une base de données sur les sites industriels et d'activités de service anciens, est renforcée par l’article R410-15-1 du code de l’urbanisme stipulant la création des Casias.

3/ Prescriptions et sanctions liées à un défaut d’information pour un immeuble situé en Casias

Dans le contexte réglementaire actuel, la situation d’un bien immobilier situé dans une zone à risques de pollution Casias n’entraînera pas de prescriptions de travaux, à l’inverse de l’inscription d’une parcelle en SIS pour laquelle une étude de sol est obligatoire pour tout projet de construction ou d’aménagement prévoyant un changement de l’usage existant et, en cas de pollution constatée, soumise à la mise en place de mesures de gestion de la pollution.

L’absence d’information remise par le vendeur à l’acquéreur sur la présence d’un bien immobilier situé en zone Casias pourrait avoir des conséquences juridiques si et seulement s’il s’avère que ce bien est effectivement concerné par une pollution des sols remettant en cause l’usage auquel il était destiné. En effet, ce n’est que si la pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat que l’acquéreur pourrait avoir le choix, en cas de défaut d’information sur la Casias, de demander la résolution de la vente, de se faire restituer une partie du prix, ou de demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.

Ainsi, si cela est précisé ultérieurement par voie réglementaire, ce serait en toute logique à l’acquéreur de faire constater une pollution de sol pour faire valoir ses droits en cas de défaut d’information du vendeur sur la Casias ; contrairement aux immeubles situés en SIS où cette étude de sol doit être remise par le vendeur à l’acquéreur, avant l’acte de vente, notamment si l’usage de l’immeuble devait changer ou si des mesures de gestion de la pollution existent.

4/ Dans certains cas, l’échelle au 1/25000ème de la Casias sera inadaptée pour l'identification des risques de pollution au droit de l’immeuble.

Les professionnels de l’immobilier les plus consciencieux s'appuient sur des états des risques cadastrés, technique la plus fiable permettant de préciser le plus justement possible la situation du bien immobilier, dans toute son étendue, au regard des risques et des pollutions auxquels il est exposé. L’échelle au 1/25000ème des Casias ne permettra pas de distinguer avec précision l’étendue et les contours d’un bien immobilier, ce qui peut être préjudiciable à l’acquéreur ou au vendeur d’un bien immobilier situé en limite de zone à risques de pollution. Des cartes au 1/5000ème, ou plus précises, seraient bien plus indiquées pour identifier les immeubles, d’autant plus que les Casias seront disponibles au sein d’un SIG dont les échelles de zoom sont en théorie très précises lorsque les données sont vectorisées et géoréférencées (ou les images des scans géocodées fournies avec une très bonne résolution). Nous espérons donc que l’Etat intégrera une couche cadastrale à l’application de consultation en ligne des Casias et ne limitera pas le zoom sur l’immeuble à l’échelle 1/25000ème ; échelle à laquelle le cadastre est presque illisible.

Pour justifier ce changement scalaire, il est possible de s’appuyer sur les retours d’expérience autour de l’ancien site de Prim.net « CartoRisques » qui limitait les zooms sur les zones de PPR en fond IGN au 1/25000è et empêchait ainsi de distinguer précisément l’objet immobilier sur lequel portait l’état des risques. Cette situation inadaptée de l’échelle au 1/25000ème du site Cartorisque obligeait le professionnel exigeant à se reporter aux cartes originales de PPR au 1/5000ème pour avoir une vision exacte de la situation de l’immeuble et de ses parcelles au regard des zones de PPR ; les zones de PPR étant opposables au tiers, tout comme pourraient l’être les Casias en cas de contentieux autour de l’information fournie.

Enfin, puisque l’élaboration des documents permettant l’Information des acquéreurs et des locataires s’effectue le plus souvent en ligne et assez peu en photocopiant les documents originaux en mairie ou en préfecture, la notion d’échelle, bien adaptée à une consultation/photocopie des documents originaux, est bien plus problématique lorsqu’il s’agit d’éditer avec un ordinateur un état des risques, assemblant plusieurs autres documents de formats différents. Dans le cas d’un document qui a été élaboré en ligne, l’échelle indiquée sur les cartes s’avère souvent faussée dans le document final puisque la carte peut être scannée à des résolutions et dimensions plus ou moins précises, ou être représentée sur des écrans aux résolutions elles aussi différentes puis capturée ou réexportée, en tout ou partie, avec des compressions et dimensions différentes selon les applications d’édition des documents. Toutes ces étapes représentent autant de risques de voir se fausser l’échelle d’origine qui sera indiquée sur la carte importée dans le document état des risques. Dans les faits, l’échelle des extraits cartographiques proposés dans l’état des risques remis à l’acquéreur n’a souvent plus grand-chose à voir avec l’échelle indiquée dans les documents originaux et se révèlent donc le plus souvent une information non fiable.

Plus concrètement, quand un plan de PPR est, par exemple, au format papier original A2 à l’échelle du 1/5000ème et que celui-ci est inséré dans un document A4 (au marges d’édition et d’impression variables) pour être remis à l’acquéreur, l’échelle de 1/5000ème indiquée en légende n’est plus réaliste et devrait être normalement recalculée, ce qui n’est presque jamais le cas dans les faits. Un autre exemple de déformation d’échelle : lorsque l’auteur de l’état des risques est amené à prendre/capturer/enregistrer une image de la zone où se situe le bien pour l’insérer dans document externe au site, le risque est important que la carte perde son échelle originale lors de cette manipulation.

Pour remédier à ce biais maintes fois repéré sur les PPR, il conviendrait probablement de signifier sur la carte du SIG en ligne, l’échelle des Casias sous forme d’un segment symbolisant une distance et non plus sous forme d’un rapport de nombre (distance sur la carte / distance dans la réalité). Ainsi, l’indication d’échelle serait préservée quelque soit la déformation de la carte lors de sa mise en page dans l’état des risques final.

Tableau synthétique sur le SIS et la Casias pour l'Information des acquéreurs et locataires

Tableau synthétique SIS / Casias dans l'ERNMT

Conclusion

L'Etat doit encore compléter la réglementation afin de préciser les modalités d’information des acquéreurs et des locataires de bien immobilier autour des Casias. Il devrait notamment inclure sans ambiguïté cette information dans l’article L 125-7 du code de l’environnement, et ainsi renforcer le droit d’information des citoyens sur les risques de pollution des sols. Si les sanctions d’un défaut d’information autour des Casias n’y sont pas précisées, il est alors probable que le juge applique les sanctions générales relatives à un défaut d’information dans l’état des risques (ERNMT), issues elles-mêmes des sanctions classiques pour vice caché.

Compte tenu des implications juridiques et financières de l’état des risques pour le vendeur qui peut voir son bien dévalorisé aux yeux de l’acquéreur, la Casias ne devrait souffrir d’aucune approximation cartographique, notamment du fait d’une échelle peu adaptée qui pousserait le vendeur ou le prestataire à surestimer les risques de pollution au droit de l’immeuble. Inversement, un vendeur ou un prestataire peu scrupuleux pourrait tout aussi bien sous-estimer ces risques de pollution à certains endroits de la (ou des) parcelle(s) constituant le bien immobilier, à cause de l’absence d’un fond cadastral lisible sur les cartes Casias.

Sources :

(1) : Article R410-15-1 du code de l’urbanisme

(2) : Article L125-6 du code de l’environnement

(3) : Art R125-48 du code de l’environnement

(4) : Art L127-7 du code de l’environnement

(5) Actu-Environnement – 15/02/2016 : « Sites pollués : les professionnels s’emparent de la loi Alur »

(6) Environnement et technique – Mars 2016 – Hors série « Sites et sols pollués » Pages 7 et 43.

(7) BRGM : « Cadre général de la banque de données d'anciens sites industriels et activités de services : BASIAS. »

(8) La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 6, 12 Février 2016, 1080. Droit de l'environnement et pratique notariale »

Pour aller plus loin : UDPS - Présentations colloque Loi Alur et Sites Pollués : Retour sur les décrets d'application de l'article 173